I. PREAMBULE

Ce texte complète la norme déontologique de l’architecte.  Il codifie les règles et usages consacrés en matière d’expertise judiciaire et privée, applicables en plus des règles générales de déontologie.  Il s’attache à définir principalement les relations entre l’expert et les parties à l’expertise, en particulier lorsque la mission d’un ou de plusieurs architectes est concernée.

Ces règles déontologiques s’appliquent donc à tout architecte qui agit en qualité d’expert.

On distingue deux grandes familles d’expertises:

  • Celles où l’expert est chargé d’une mission neutre, rendue opposable aux différentes parties présentes.  Il s’agit de missions d’expertise judiciaire, d’arbitrage ou d’amiable compositeur.
  • Dans les autres cas, l’expert intervient comme conseil technique d’une ou de plusieurs parties, dans un cadre litigieux ou non.  On parlera alors de mission de conseiller technique.

II. TERMINOLOGIE

Expertise opposable
L’expert entre parties est celui qui, en raison de son expérience professionnelle, intervient entre parties d’intérêts opposés ou pouvant être considérés comme tels, soit pour formuler une opinion, soit pour prendre des décisions ou pour faire des constatations opposables aux parties, que cette mission lui soit confiée par un tribunal ou par les parties en raison d’une convention quelconque, que cette mission soit qualifiée «expertise», «arbitrage» ou autre.

Expertise unilatérale
Le conseiller technique est celui qui apporte le concours de sa compétence professionnelle pour conseiller une partie ou même plusieurs parties dont les intérêts ne peuvent être considérés comme étant opposés, que cette mission soit qualifiée «conseil», «expertise», «assistance» ou autre.

III. RAPPEL DES REGLES DE DEONTOLOGIE DE L’ARCHITECTURE APLLICABLES PARTICULIEREMENT AUX EXPERTS

Qualités requises pour agir en tant qu’expert
 L’architecte qui agit en tant qu’expert doit, par la pratique de la profession, avoir l’expérience indispensable pour résoudre les problèmes qui lui sont soumis. Il veille à accomplir les missions qui lui sont confiées avec diligence, discrétion et indépendance. (Article 9)

Quant aux honoraires de l’expert
L’architecte qui a agi en qualité d’expert établit son état d’honoraires et frais avec modération, en tenant compte de tous les éléments de la cause, notamment de la difficulté et de l’importance de ses prestation, de l’enjeu du litige et, dans une certaine mesure, de la situation financière des parties. (Article 12)

Témoignage
Hormis le cas où il est appelé à témoigner en justice, il est interdit à l’architecte de révéler les secrets dont il est dépositaire par état ou par profession. (Article 18)

Rapports entre l’expert et les conseils techniques
Lorsqu’il est fait appel à un conseil technique, l’architecte doit faire constater par écrit la mesure de l’intervention de ce conseil de façon à définir, préalablement à toute prestation, les rôles respectifs et les responsabilités de tous les praticiens y compris les assurances, compte tenu notamment des dispositions des articles 1792 et 2270 du Code Civil. (Article 24)

Rapports avec les autres architectes
L’architecte fait preuve de confraternité et de loyauté.   Il juge l’œuvre de ses confrères en toute objectivité, et doit également admettre que les confrères critiquent son œuvre dans le même esprit.   Il s’abstient d’une manière générale de toutes pratiques tendant à nuire à ses confrères dans leur situation professionnelle.(Article 25)

Collaboration
Si plusieurs architectes coopèrent, pour le tout ou en partie, à l’exécution d’une même mission ou à une mission de conseil technique, leurs rapports doivent être empreints de confraternité, dans un esprit de totale collaboration.  Ces architectes se communiquent tous les renseignements et documents dans l’intérêt de la mission et de la coopération. (Article 27)

IV. REGLES GENERALES APPLICABLES A L’ARCHITECTE INTERVENANT COMME EXPERT ENTRE PARTIES OU CONSEIL TECHNIQUE

Art 1. Pratique professionnelle
Pour prétendre intervenir dans des missions relatives à des problèmes de construction (pathologie du bâtiment), l’expert architecte doit posséder une expérience professionnelle avérée en tant qu’auteur de projet, disposer d’une documentation spécialisée, régulièrement tenue à jour, de moyens élémentaires d’investigation et d’une parfaite maîtrise dans l’interprétation de leurs résultats.

Quelles que soient les missions qu’il accepte, l’expert architecte veillera à maintenir ses compétences professionnelles à jour.

Ainsi, l’expert architecte n’accepte que les missions pour lesquelles il estime avoir les compétences requises.  Il peut cependant se faire assister d’un conseiller spécialisé (sapiteur), pour autant qu’il soit à même de comprendre et d’interpréter l’avis donné par celui-ci, restant seul maître de ses conclusions.

Art 2. Diligence dans l’accomplissement de la mission
L’expert architecte veille à accomplir les missions qui lui sont confiées avec toute la diligence requise, afin de limiter autant que possible le dommage.
Il sera particulièrement attentif à procéder aux constats requis pour permettre soit l’exécution des travaux de réparation, soit la poursuite du chantier, soit la pleine jouissance du bien.

Art 3. Discrétion
L’expert architecte ne peut en aucun cas faire état d’éléments qui sont portés à sa connaissance dans le cadre de l’accomplissement de sa mission.  Il ne communique ni rapport, ni pièces des dossiers à des tiers sans autorisation expresse des parties concernées.

Art 4. Indépendance
L’expert architecte n’acceptera de mission que s’il estime pouvoir l’accomplir en toute indépendance, forgeant ses avis sur sa compétence professionnelle et les constatations objectives faites dans le cadre de sa mission.   Il atteste de sa bonne foi au bas de son rapport.

Art 5. Rapports avec les autres architectes et conseils techniques
L’expert architecte fait preuve d’une stricte neutralité vis-à-vis de confrères qu’il est amené à rencontrer dans le cadre des missions qui lui sont confiées.
Il veillera à donner un avis sur les faits et non sur les hommes.
Tout en s’interdisant toute complaisance, les relations avec ses confrères et autres conseils techniques sont basées sur le respect et la courtoisie.

V. REGLES COMPLEMENTAIRES POUR MISSION D’EXPERTISE OPPOSABLE

Art 1. Causes de récusation
1. Sauf accord préalable des parties et sauf les cas prévus à l’article 4 ci-après, les causes de récusation prévues par l’article 966 du Code judiciaire sont d’application lors de l’acceptation de missions judiciaires ou autres expertises entre parties.

2. Sauf accord préalable des parties et sauf les cas prévus à l’article 4 ci-après, celui qui a agi antérieurement en qualité d’architecte pour une des parties en cause doit s’abstenir ultérieurement d’accepter toute mission d’expertise entre parties.

3. Sauf accord préalable des parties et sauf les cas prévus à l’article 4 ci-après, celui qui a déjà rempli une mission d’expertise entre parties, doit s’abstenir ultérieurement pendant une période minimale de 5 ans d’accepter une mission d’architecte pour des parties, à l’exclusion d’interventions comme expert entre parties.  Il pourra, dans les mêmes conditions, intervenir comme conseiller technique d’une des parties, pour autant que les intérêts en cause n’opposent pas les mêmes parties.

4. Lorsque chacune des parties concernées par un litige peut désigner un architecte pour constituer un collège d’experts entre parties, celui qui est déjà intervenu pour l’une d’elles peut accepter d’être désignés par celle-ci.

Indépendamment de toute cause légale de récusation, l’expert architecte s’abstiendra d’accepter une mission s’il estime qu’il ne peut la remplir en toute indépendance.

Lorsqu’un expert architecte se rend compte, durant le déroulement de la mission d’expertise, qu’une cause de récusation peut apparaître, il en informe les parties avant de poursuivre la mission.

Art 2. Procédure
Lorsqu’il est désigné comme expert judiciaire ou arbitre, l’expert architecte respecte strictement les lois et règlements applicables à ce type de mission, sans s’écarter du cadre de celle-ci.
Il veille particulièrement à éviter la nullité du rapport par suite d’erreurs de procédure.
A moins qu’il en soit expressément dispensé, l’expert communique le rapport de ses constats sous la forme de préliminaires aussi précisément et rapidement que possible.

Art 3. Rapports avec les parties aux procès
L’expert chargé de mission traite toutes les parties sur un pied d’égalité.  C’est ainsi que l’indépendance, l’objectivité et l’équité de l’expert prennent d’office le pas sur les règles déontologiques si un ou des architectes sont parties au procès.

Art 4. Rapports avec les conseillers techniques
L’expert entre parties entretient avec les conseillers techniques, quelques soient leurs titres, des relations courtoises, basées sur le respect.  Le terme « confrère » est toutefois réservé aux architectes, à moins qu’ils ne soient partie à la cause.  L’expert entre parties prend les convenances des conseils techniques et leur communique les mêmes pièces qu’aux parties.

Art 5. Assurance
L’architecte qui intervient comme expert entre parties est assuré en responsabilité civile professionnelle.  Il veille à la conservation et à la discrétion des pièces dont il est dépositaire dans le cadre des missions qui lui sont confiées et en assure la contre-valeur.

VI. REGLES COMPLEMENTAIRES POUR MISSION DE CONSEILLER TECHNIQUE

Art 1. Causes de récusation
1. L’architecte qui accepte une mission de conseil technique, est tenu d’informer son client, s’il a déjà agi antérieurement en qualité d’architecte ou de conseil technique pour une des parties qui peuvent avoir des intérêts opposés.

2. Sauf accord préalable du client, l’architecte qui a accepté une mission complète ou partielle d’architecte pour la construction ou la transformation d’un bâtiment pour le maître de l’ouvrage, doit s’abstenir ultérieurement de prêter assistance aux acquéreurs de cette construction à l’occasion de la réception de tout ou partie de celle-ci.

3. L’architecte chargé par un promoteur ou un entrepreneur d’une mission totale ou partielle pour l’édification d’un immeuble, doit refuser toute mission de gérance dudit immeuble, lorsque celui-ci est totalement ou partiellement aliéné.

4. L’architecte chargé par un client de tout ou de partie de mission d’architecte, pour la construction ou la transformation d’un immeuble, doit s’abstenir de dresser des constats d’état des lieux des propriétés voisines, ainsi que de procéder aux récolements et évaluations après travaux, sauf pour ce client.

Art 2. Objectivité
Le conseiller technique, par respect pour la profession qu’il représente et souci de sa propre notoriété, se montre prudent dans la recherche de la vérité, fait rapport de constats réels et de faits avérés ou à défaut, en précisant leurs origines, des explications qui lui ont été fournies.  Il remet des avis fondés sur ses propres observations et sur une analyse impartiale.  Il atteste de sa sincérité au bas de son rapport.

Il doit la vérité à son client.

Art 3. Rôle de conciliateur
Il est rappelé aux architectes acceptant des missions de conseil technique que leur premier devoir est de favoriser la conciliation des parties.

Art 4. Rapports avec ses confrères
Dans la mesure du possible et dès que les circonstances le permettent, le conseil technique avise de son intervention les confrères concernés par l’objet de sa mission.

Lorsqu’un architecte qui agit comme conseiller technique succède à un autre, il veille à ce que celui-ci ait été honoré pour ses prestations avant d’accepter la mission.

L’architecte ou ses ayant droit transmettent à l’expert architecte qui succède le dossier complet ainsi que tous documents et renseignements utiles en leur possession.

Art 5. Relations entre conseillers techniques
Les experts architectes agissant comme conseiller technique de parties différentes veilleront à respecter l’article 27 du Code de Déontologie.

Ils appliqueront les règles et coutumes en usage, notamment en ce qui concerne le partage des frais en matière d’état des lieux.

Art 6. Confidentialité
Lorsqu’un architecte intervenant comme conseiller technique fait expressément mention du caractère confidentiel de sa correspondance, celle-ci ne peut être exhibée, produite ou délivrée à des tiers par son contradicteur.

Approuvé par la commission déontologie du CNEAB en sa séance du 29 octobre 1998,
Projet soumis au CNOA pour être intégré à la déontologie de l’architecte.
Robert DOYEN,  Jo F. DRAPS,  Jean-François FONTAINE,  Luc RIMANQUE
Raf BERNAERS,  Jean BOLAND,  Pierre FRANCOTTE,  Luc LE CLERCQ,
Wouters NEVEN,  Luc VAN MULDERS